J’ai vu, pendant toute ma vie, sans en excepter un seul, les hommes, aux épaules étroites, faire des actes stupides et nombreux,
[j’ai vu les hommes] abrutir leurs semblables, et pervertir les âmes par tous les moyens. Ils appellent les motifs de leurs actions : la gloire.
En voyant ces spectacles, j’ai voulu rire comme les autres ; mais, cela, étrange imitation, était impossible.
J’ai pris un canif dont la lame avait un tranchant acéré, et me suis fendu les chairs aux endroits où se réunissent les lèvres.
Un instant je crus mon but atteint. Je regardai dans un miroir cette bouche meurtrie par ma propre volonté !
C’était une erreur ! Le sang qui coulait avec abondance des deux blessures empêchait d’ailleurs de distinguer si c’était là vraiment le rire des autres.
Mais, après quelques instants de comparaison, je vis bien que mon rire ne ressemblait pas à celui des humains,
[mon rire ne ressemblait pas à celui des humains,] c’est-à-dire que je ne riais pas.
J’ai vu les hommes, à la tête laide et aux yeux terribles enfoncés dans l’orbite obscur, surpasser la dureté du roc,
[j’ai vu les hommes surpasser] la rigidité de l’acier fondu, la cruauté du requin, l’insolence de la jeunesse, la fureur insensée des criminels,
[j’ai vu les hommes surpasser] les trahisons de l’hypocrite, les comédiens les plus extraordinaires,
[j’ai vu les hommes surpasser] la puissance de caractère des prêtres, et les êtres les plus cachés au dehors, les plus froids des mondes et du ciel ;
[j’ai vu les hommes] lasser les moralistes à découvrir leur cœur, et faire retomber sur eux la colère implacable d’en haut.
[J’ai vu les hommes lasser les moralistes à découvrir leur cœur, et faire retomber sur eux la colère implacable d’en haut.]
Adaptation d’un passage du Chant Premier des Chants de Maldoror, de Lautréamont.
Modifications personnelles apportées à l’œuvre originale : le titre ; les strophes et les sauts de lignes ; les anaphores et autres répétitions. Les ajouts de texte sont insérés entre crochets.