CABOU

À un sot rimeur qui trop l’importunait d’aimer

(lundi 23 mars 2020)

Tu te plains que plus ne rimasse,
Bien qu’un temps fut que plus aimasse
À étendre vers rimassés,
Que d’avoir biens sans rime assez :
Mais je vois que qui trop rimoye
Sus ses vieux jours enfin larmoye.

Car qui s’amuse à rimacher
À la fin n’a rien à mâcher.

Empreinte du masque mortuaire d'une jeune femme et son reflet dans une vitrine.

Et pource, donc, rime, rimache,
Rimone tant et rime hache,
Qu’avecques toute ta rimaille
N’aies, dont tu sois marri, maille :
Et tu verras qu’à ta rimasse
Comme moi feras la grimace,

Maudissant et blâmant la rime,
Et le rimasseur qui la rime,
Et le premier qui rimona
Pour le grand bien qu’en rime on a.
Et tu veux qu’à rimaillerie
Celui qui n’aura maille rie ?

Je te quitte, maître rimeur,
Et qui plus a en sa rime heur,
En rime los, en rime honneurs,
Ensemble tous tels rimoneurs.

Pernette du Guillet, Rymes


 
 

Photo : masque funéraire de la jeune Claudia Victoria - Musée gallo-romain de Lyon.