CABOU

Étretat

(mercredi 21 août 2019)

Poil de chat mouillé. Perclus. La bruine plombe l’horizon.
Il se sent de faïence : cassant, lisse et tranchant.
Un bloc de fonte coulé à chaque pied, vitrifié.
De son front, de ses yeux enfle et ruisselle un cri froid.

Ancré sur la côte ; impossible de prendre le large.
Ce jour-là, un couple s’est arrêté à Étretat.
À présent, ils sont trois : un vitrifié et deux fantômes.
Infernale continuité.

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Le lieu, l’heure, la pluie... stricte réplique de ce jour-là.
Mais il ne reconnaît plus rien. Le saccage profond
ne lui lâche du réel qu’un ersatz infecté
par le diktat du ressac permanent de l’obsession.

Envoûté par la houle ; il se fait complice de chaque vague.
Une poignée d’heures s’est écoulée.... une journée, à peine.
Un abîme vertigineux, pourtant, le sépare de la veille.
Temps ne fait plus sens.

Paysage marin entièrement minéral: un bloc de forme presque cubique, de couleur orange, est enchâssé de tous côtés par d'autres rochers, gris et plus gros.

Le sang rythme la mélopée des vagues et de la pluie ;
sang du supplicié, palpitant dans cette carapace figée.
Existe-t-il des clapets pour bloquer ce flux maudit ?
Existe-t-il des crochets pour l’arracher de cette tyrannie ?

Ce jour-là, un bloc s’est dégrafé de la falaise,
emportant sa compagne,
emportant une partie de lui-même,
amputant sa raison.

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Poil de chat mouillé. L’aiguille creuse a-t-elle sombré ?
Faut-il sauter ? Peut-il ainsi se libérer ?
Tout pousse au passage à l’acte. Mais non.
Pas de religion ni de morale là-dedans, non.

Tel le varech constellé de grappes de talitres,
le voilà bombardé d’escouades interrogatives.
Le pourquoi le conduira forcément à sa perte.
Comment comme seul salut.