CABOU

Vos jours d’avant

(lundi 13 avril 2020)

Au début,
c’était juste
des images
un peu embrumées,
un peu pastel.
Chinois
portant
des masques.

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Avec l’Italie,
la menace
s’est rapprochée.
Puis Creil, Grand Est...
et, d’un seul coup,
on a tous été embarqués
dans le grand n’importe quoi.

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Avec ces appels
délirants à la guerre,
à « l’union nationale »...
Non mais, t’entends ça, toi ?
Moi, j’ai compris
qu’il s’agissait
d’une version moderne
de l’union sacrée !

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Puis, sans honte,
il nous a sorti
un hymne à la solidarité,
un comble !
On n’oublie pas que
c’est à coup d’ordonnances,
de LBD et de 49.3
que l’État a répondu à nos colères

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On a eu droit
à une dose
quotidienne
d’injonctions contradictoires :
ne plus se rassembler
et aller voter ;
rester confiné
et continuer de bosser...

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Et à la fin,
un bon coup de pipeau
sur l’air du « jour d’après »
« Le jour d’après [...] ne sera pas
un retour au jour d’avant »

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Ho, sans blague ?
Alors comme ça,
vous êtes un renégat
M’sieur le président ?
Non, mais vous nous prenez
vraiment pour des brèles ?
Vous croyez qu’on a oublié
les tirades de Sarko en 2008 ?

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Ah « le jour d’après » !
ça permet surtout
d’éviter de parler
des responsabilités
pleines et entières
de ces grands commis d’État
dans la conduite
des « jours d’avant » !

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Tous ces « jours d’avant »,
gavés de profits, de misère,
de rémunérations d’actionnaires,
de proliférations capitalistes,
de surproduction obsolescente,
de commerce planétaire convulsif
provoquant tant de désastres sociaux,
écologiques et sanitaires !

Quatre rangées de huit filets d'emballage à fruits et légumes dansants.
Au 32e jour de danse

Et puis on a vite pigé
de quoi seraient faits
les « jours du pendant »,
pas vraiment différents des « jours d’avant »,
avec leur lois d’exception,
le télétravail obligatoire,
la surveillance de masse
& services en ligne à gogo...

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Égale à elle-même,
la télé s’est mise à diffuser
une nouvelle série,
un peu lassante.
Un épisode par soir,
avec ses experts
ses ministres et autres
M’sieurs & M’dames bons offices.

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Je n’y connais pas grand-chose,
mais je ne suis pas sûr
que les médias
aient eu à se plaindre
de la crise sanitaire...
En tous cas, ils se sont
montrés de fidèles
agents de communication d’État.

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Quid de ces articles,
émissions & interviews,
si peu critiques
et passablement complaisants,
quand on expliquait,
pour cacher la pénurie,
que les masques
ne servaient à rien ?

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Quid de cette absence
de questionnement
face à l’annonce
du confinement généralisé
alors que,
dans d’autres pays,
c’est le dépistage
qui était généralisé ?

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Quid de de cette absence
d’interrogation,
quand on a su
que le dépistage généralisé,
dans ces pays,
a permis
de limiter le confinement
aux seuls malades ?

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Mais non, les médias
nous on fourni, tous les jours,
des pelotons d’experts,
pétris de sciences
et d’intelligence,
certifiée 100% française.
Tout ça pour cautionner
les décisions du chef.

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Et le chef a dit,
enfin,
le « comité scientifique »
a dit :
confinement généralisé,
pas besoin de masques
(qui ne servent à rien)
ni de dépistage.

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Sauf que
le dépistage généralisé
n’a pas eu lieu en France,
et, cela, non pas
pour des raisons scientifiques,
mais, tout simplement,
parce que les équipements
de dépistage n’existaient pas.

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De même
qu’il était impossible de fournir
en quantité suffisante
les masques, les lits,
les équipements,
et les personnels
pour répondre à l’urgence.
La pénurie, quoi !

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Bah oui, alors, dans ces conditions :
confinement général !
Vive la science.

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La pénurie :
voilà ce qui arrive
quand on décrète
que la principale réponse
aux besoins de santé
est motivée par les lois
de l’offre et de la demande.

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La surmortalité :
voilà ce qui arrive
quand investissements
et moyens de fonctionnement
des hôpitaux publics
sont réduits sous prétexte
qu’ils ne sont pas rentables.

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C’est sûr que ce n’est pas rentable
de financer la prévention d’un risque
tant que ce risque n’a pas eu lieu.
Mais, financer la prévention d’un risque
c’est forcément accepter
la possibilité du risque,
sans avoir la certitude qu’il arrive.
Mais quand le pire arrive...

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VIH, H1N1, SRAS, ZIKA, EBOLA...
sans parler des catastrophes
climatiques et autres attentats...
On n’a pas besoin
d’avoir fait l’ENA
pour en déduire
que certains risques
étaient devenus prévisibles.

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En France,
la pandémie a rencontré
la pénurie.
Même si cela aurait pu être pire,
on paie cash
en confinement
et en nombre de victimes
le coût de la pénurie.

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On se doute bien
que c’est difficile d’admettre
que ce sont
ces choix politiques,
vos choix politiques, et rien d’autre,
qui ont ruiné
les capacités du pays à prévoir
et à traiter correctement la pandémie.

Monsieur le président,
dites-vous bien,
qu’il n’y aura pas de « jour d’après ».

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Pas de jours meilleurs
sans vous faire quitter
le pouvoir,
vous et les vôtres.
Nous n’attendons rien de vous,
car vos institutions
ont justement été créées
pour empêcher les « jours d’après ».

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Les jours meilleurs,
les vrais,
ne pourront venir
que d’un rapport de force social,
de masse,
obligeant les vôtres
à lâcher prise,
parce qu’ils n’auront plus le choix.

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Ce n’est que par
la lutte économique :
la grève générale
et le boycott,
que nous arriverons
à imposer
d’autres circulations
des richesses.

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Ce n’est qu’en
mettant à genoux
ceux qui ont intérêt
à la perpétuation
de ce système délirant
qu’on parviendra
à prendre le contrôle
de nos vies.

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L’organisation
de nos luttes
démontrera
qu’il est possible
d’imposer
le cours de l’histoire,
en dehors
de vos institutions.

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Nous pourrons alors
envisager l’abolition
des emplois débiles
pour la création
du travail utile.
Utile, car nécessaire
aux besoins
de la population.

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Monsieur le président,
nous n’avons aucune haine
à votre encontre.
C’est juste de l’indifférence.
Vous n’êtes pas différent
de vos prédécesseurs.
Nous n’attendons rien
de vos successeurs.

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Notre indifférence,
à votre égard
est à la mesure
de votre mépris,
car il faut mépriser
l’intelligence des autres
pour oser leur sortir
« le jour d’après ».